A l’ouverture de Dak’art 2022, il fût souligné au sujet de la Chine, pays invité, le premier rang qu’elle occupe dans le marché de l’art de quoi susciter davantage de curiosité et forcément, des interrogations.
Qu’y a-t-il d’extra-ordinaire dans ce marché? Les acteurs de cette chaîne de valeur, qu’ont ils compris? Que font-ils mieux?
Le concept d’énergie de transition / énergie active a été emprunté à la physique quantique pour formuler le concept curatorial en écho à Ī Ndaffa. À travers une sélection de 12 artistes ayant grandi à une époque de développement rapide en Chine (1967***), il est illustré le mouvement de bascule entre la transition individuelle de l’artiste et la transition de la communauté culturelle à laquelle ils appartiennent. En d’autres termes, le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre.
Ce projet curatorial s’interroge aussi sur l’avenir du monde et est d’avis que la longue histoire de civilisation et la sagesse ancienne basée sur la nature, l’humanité, la vérité, la bonté, la beauté, la vie et la mort qu’ont en partage la Chine et l’Afrique [mieux les afriques] sont les atouts majeurs dont chacune dispose chacune pour affronter les défis posés par le progrès et assumer leur part de responsabilité.
A première vue, il se dégage professionnalisme et sérieux dans le travail. A l’entrée, un catalogue d’exposition retrace le parcours des artistes exposés et offre des éléments d’information sur les œuvres exposées. En le lisant, on est tout de suite frappé par la double casquette de professeur entendu ici comme grade élevé de l’enseignement supérieur et d’artiste reconnu de la sélection ainsi que leur riche expérience nationale et internationale.
En visitant cette exposition, je me suis posée trois questions qui peuvent sembler triviales ou banales: Qu’est ce qu’un artiste contemporain? Comment un artiste répond il à sa contemporanéité? Quid des consommateur d’expositions (visiteurs, collectionneurs, etc.) ? Comment trouve-il en cette production artistique les éléments qui lui permettent de documenter ou garder une trace de son présent qui deviendra plus tard son passé? Sans forcément chercher à répondre à ce triple questionnement, j’ai trouvé en cette exposition une diversité de matériaux, de formes et de sujets d’intérêt liée certainement à la sensibilité des artistes.
La giclée en tant que technique prédomine. La sculpture, l’acrylique et la vidéo ne sont pas en reste. Le travail sur papier, la tôle et la céramique ainsi que la technique mixte restent très marginaux. Sauf erreur de ma part, il me semble que cette matière fait écho à notre ère “pixel”, notre ère de béton et de tôles (automobiles et de construction) mais aussi à notre mère-nature en péril.
Ces outils de création sont intervenus pour différents besoins, semble-t-il. Aussi, créer des passerelles entre la culture traditionnelle (incluse, folklorique) et la création contemporaine artistique fût-elle une préoccupation. Matérialiser le monde contemporain dans lequel les artistes vivent notamment en ces temps covid19 transparut également dans certaines démarches artistiques. Approfondir des sujets d’intérêt semble avoir compté.
Il est indéniable que les artistes exposés font de la recherche artistique. On rappellera à ce niveau que tout artiste est par essence un chercheur. La particularité ici réside en cet alliage intéressant entre la recherche académique et la recherche artistique que cristallisent finalement ces productions artistiques. De ce point de vue, Plain face de WU Jian’an ainsi que Moutain de Zhi Min suscitent un intérêt particulier.
De toutes les propositions artistiques, j’ai personnellement été impressionnée par Wilderness de Liu Shangying . Cette réalisation s’inscrit dans le cadre du projet de la plaine déserte datant du 08 Février 2019. Pour réaliser ce projet, Liu Shangying s’est imposé un niveau de difficulté extrême (immense toile, tempête de sable, poussière rugueuse, adhérence de la peinture, un champ de vision quasi nul) pour créer. Le site se trouvait dans un immense marécage salé (3000km2 de superficie, 768 m d’altitude) situé à l’est du désert de Taklamankan dans la région de Xinjiang, dans une nature sauvage, sans aucun sens de l’orientation et dont la température ambiante était de moins 20°. Il est dit à ce sujet qu’il s’est agi du « (…) projet de peinture le plus difficile (…) » qui lui ait été donné de réaliser. Il est utile de rappeler au sujet de l’artiste que depuis 2011, a multiplié les voyages au Tibet, en Mongolie intérieure, Xinjiang, etc. pour réaliser des peintures de grande taille à partir de la nature en l’occurrence des grandes étendues naturelles (Ngari, Banner, Lop Nur, etc.)
Au sujet de cette expérience de création dans cet environnement hostile, il dit : (…) la conscience instinctive du corps de réveille. J’ai touché le sol et ai laissé une perception empreinte sur la toile (…). En résulte, trois créations artistiques à savoir la peinture acrylique sur toile, une giclée et une vidéo en HD.
Autant dire à l’issue de cette exposition que la réputation du marché chinois de l’art ne semble pas surfaite. Or, il ne s’agit pour l’instant que d’un échantillon. L’ économie de cette expérience se lit comme suit : « La vraie magie, c’est le travail. »
Raïssa NJOYA
*** 1967 a été pris comme référentiel et renvoie à la date de naissance de l’artiste le plus âgé de la sélection.
Publié pour la première fois sur La Voix du Koat.